Article du 3 octobre 2022, 
Les détectives sauvages, 
Pauline Guillier
 

“Deux femmes puissantes“
Deux femmes dans un appartement en travaux discutent du titre de la pièce qu’elles ont choisi pour leur prochaine création – Eddie Mitchell, un vieux mâle blanc, le monde d’après, c’est vraiment ça qu’on veut ? Elles se lancent et répètent, avec pour guide la question suivante : comment la crise du covid a modifié leur rapport à la création et leur vie intime ?

(...)
Elles se mettent à brouiller délicieusement les pistes et fabriquent à vue un objet théâtral aux contours flous, aux bifurcations imprévisibles. L’espace mi-théâtre mi-appartement en travaux offre ses parpaings à la rage des spectatrices et son placo à une réflexion politique sur le cinquième mur, celui qui se tient, bien réel, entre le théâtre et la rue – il va sans dire que briser le quatrième n’a plus rien de subversif.  Dans cet espace scénique qui perd son identité et s’autonomise, les possibles du spectacle adviennent et sont sans cesse réactualisés. Toutes les formes de jeu et de texte jaillissent dans une merveilleuse instabilité. (...) Tout est un peu fragile, un peu artisanal, et cette liberté prise laisse déborder une jubilation contagieuse, comme la liberté contaminatrice de Despentes, à être au plateau, à faire se mirer à l’infini la vie et la scène. (...) La relation tantôt fugueuse, tantôt frontale, toujours ludique qui se tisse avec les spectateur-rices est d’une grande beauté.

© LES 7SOEURS