EXTRAITS
Contrôle
C’est bon ?
Vous êtes prêts ?
Regardez.
Je mets un col roulé, un jean, un beau manteau.
Ouais, vous y êtes ?
Tout le monde, vous êtes sûrs ?
Pas facile, hein pas facile, Brahim sans ses survêts, mais allez-y ! Vous croyez quoi, que c’est encore l’Arabe de service qui va faire tout l’boulot ici ? Ben non ! Hé, trop facile !
Faut bosser un peu, que tout le monde charbonne ici.
C’est bon ?
Vous y êtes ?
Vous m’avez mis le col roulé ?
Le jean, le beau manteau ?
Ok.
Alors, maintenant...
Est-ce que vous croyez que là, ça passe ? Ça passe ou ça passe pas ? Ça passe ?
Est-ce que là, je me fais contrôler ? Contrôle ?
Pas contrôle ?
Contrôle.
Évidemment. Évidemment contrôle. Toujours. (...)
Depuis le premier contrôle à quatorze ans, comme un rituel de passage, nous sommes désormais disponibles à être régulièrement palpés, touchés par la main des condés. De jour, de nuit, semaine après semaine et jours fériés.
C’est bon ?
Vous êtes prêts ?
Regardez.
Je mets un col roulé, un jean, un beau manteau.
Ouais, vous y êtes ?
Tout le monde, vous êtes sûrs ?
Pas facile, hein pas facile, Brahim sans ses survêts, mais allez-y ! Vous croyez quoi, que c’est encore l’Arabe de service qui va faire tout l’boulot ici ? Ben non ! Hé, trop facile !
Faut bosser un peu, que tout le monde charbonne ici.
C’est bon ?
Vous y êtes ?
Vous m’avez mis le col roulé ?
Le jean, le beau manteau ?
Ok.
Alors, maintenant...
Est-ce que vous croyez que là, ça passe ? Ça passe ou ça passe pas ? Ça passe ?
Est-ce que là, je me fais contrôler ? Contrôle ?
Pas contrôle ?
Contrôle.
Évidemment. Évidemment contrôle. Toujours. (...)
Depuis le premier contrôle à quatorze ans, comme un rituel de passage, nous sommes désormais disponibles à être régulièrement palpés, touchés par la main des condés. De jour, de nuit, semaine après semaine et jours fériés.
Devenir Acteur
Brahim énonce les questions comme
s’il tapait sur Google.
Comment devenir acteur ?
Comment devenir acteur quand sa famille n’est pas connue ?
Comment devenir acteur quand on est pauvre.
Comment faire une formation théâtre quand on est pauvre.
Est-ce que ça coûte cher de devenir acteur.
Combien de pourcentage de réussite.
Si on réussit pas, est-ce que c’est vrai que je finis à la rue?
Parcours Tom Hanks.
Parcours Di Caprio.
Parcours George Clooney – Ah ben lui, il a mis vingt piges à réussir. Ben voilà. Faut pas désespérer.
Au bout de deux mois, mort de trouille, je me lance :
« Maman, papa, j’ai envie de faire ça. »
J’entends déjà la réponse de ma mère :
« Brahim, ya rabbi. Tout mais pas ça.
Va travailler correctement, s’il te plait. »
... mais sa voix sort, et elle dit :
« Ben oui. Vas-y. Fais-toi plaisir, trouve ton bonheur mon fils. »
Mon père prend le temps. Il pense :
ça lui passera. Il pense : c’est bien gentil mais lui, Brahim, un enfant des cités, un musulman avec ses principes et sa foi, un Arabe avec sa langue du quartier et sa colère et ses flammes, comment est-ce qu’il pourrait trouver sa place ?
Mon père connait mieux que moi l’ampleur de la montagne que je me propose de gravir.
Alors un jour dans la cuisine, il me propose un pacte. « Lance-toi, vas-y. Essaie. Mais si à vingt-cinq ans, tu n’as pas de revenu de ce métier, tu peux garder le théâtre comme hobby, mais tu travailles. Tu gagnes ta vie. »
Comment devenir acteur ?
Comment devenir acteur quand sa famille n’est pas connue ?
Comment devenir acteur quand on est pauvre.
Comment faire une formation théâtre quand on est pauvre.
Est-ce que ça coûte cher de devenir acteur.
Combien de pourcentage de réussite.
Si on réussit pas, est-ce que c’est vrai que je finis à la rue?
Parcours Tom Hanks.
Parcours Di Caprio.
Parcours George Clooney – Ah ben lui, il a mis vingt piges à réussir. Ben voilà. Faut pas désespérer.
Au bout de deux mois, mort de trouille, je me lance :
« Maman, papa, j’ai envie de faire ça. »
J’entends déjà la réponse de ma mère :
« Brahim, ya rabbi. Tout mais pas ça.
Va travailler correctement, s’il te plait. »
... mais sa voix sort, et elle dit :
« Ben oui. Vas-y. Fais-toi plaisir, trouve ton bonheur mon fils. »
Mon père prend le temps. Il pense :
ça lui passera. Il pense : c’est bien gentil mais lui, Brahim, un enfant des cités, un musulman avec ses principes et sa foi, un Arabe avec sa langue du quartier et sa colère et ses flammes, comment est-ce qu’il pourrait trouver sa place ?
Mon père connait mieux que moi l’ampleur de la montagne que je me propose de gravir.
Alors un jour dans la cuisine, il me propose un pacte. « Lance-toi, vas-y. Essaie. Mais si à vingt-cinq ans, tu n’as pas de revenu de ce métier, tu peux garder le théâtre comme hobby, mais tu travailles. Tu gagnes ta vie. »